Compétition internationale
La majorité des films qui composent cette compétition sont des premiers ou des seconds longs métrages. Plus de la moitié sont également présentés en première française. Bien que cela n'ait pas été prémédité, il nous est agréable d'y voir le signe irréfutable de l'engagement du Festival International du Film de La Roche-sur-Yon en faveur de ce qui s'invente dans le cinéma. C'est l'une des ambitions de la nouvelle phase de son histoire qui s'ouvre avec cette nouvelle édition : que la compétition soit une manifestation, si possible éclatante, du lien privilégié qui lie le cinéma au présent. Un grand critique affirmait que les vrais cinéastes sont à l'heure, c'est-à-dire, précisait-il, toujours un peu en avance sur leur temps. Espérons qu'une telle sélection permettra à chacun d'avancer sa montre. Elle se veut en tout cas moins un panel qu'une promesse. Elle prend pari sur le contemporain, elle cherche à frayer quelque chose, à indiquer une direction. Par-delà la distribution des genres et des origines géographiques, par-delà la singularité des inspirations, on y repérera sans doute aisément une communauté de ton et de souci. Celle-ci n'a pas été davantage préméditée. Ce n'est pas à nous, en outre, qu'il appartiendrait de la dire. Ces huit films, ce qui les rapproche et ce qui les distingue, le dialogue qu'ils entretiennent, tout cela appartient maintenant au public. A lui de faire son oeuvre de découvreur.
Emmanuel Burdeau
Le Braqueur / Der Räuber - Mention spéciale du Jury et Prix du Public
Benjamin Heisenberg
photographie :Reinhold Vorschneider
montage :Andrea Wagner et Benjamin Heisenberg
musique :Lorenz Dangel
production :Nikolaus Geyrhalter Filmproduktion et Peter Heilrath Filmproduktion
distribution :ASC Distribution
de Benjamin Heisenberg
Avec Andreas Lust, Franziska Weisz, Wolfgang Kissel
Autriche . 2010 . 1h30 . VOSTF
En présence de l'actrice Franziska Weisz
Un film d'action, comme le cinéma d'aujourd'hui, et plus encore le cinéma européen, en offre peu : sec, rapide, net. Johann Rettenberger est un marathonien hors-pair. C'est aussi un braqueur de banque. Les chaussures idoines, la respiration précisément mesurée, mais aussi le masque absurde, les hurlements à la caissière et le fusil à pompe, tout cela va ensemble : même recherche d'une efficacité pure. Le deuxième long métrage de Benjamin Heisenberg est adapté d'un roman de Martin Prinz lui-même inspiré d'un véritable cas criminel. Il faut regarder l'acteur Andreas Lust courir à travers les villes et les champs, passer d'un cadre à un autre comme à travers les différents plateaux d'un jeu vidéo. Il faut épouser l'ivresse et le désespoir de sa course. Il faut voir comment il cherche à aller plus loin, toujours plus loin, jusqu'au bout. Mais il faut aussi tendre l'oreille aux bulletins d'information à la radio, regarder l'univers alentour, l'Autriche si belle et si froide. On comprendra alors : le braqueur qui fuit à larges foulées la loi de son pays a été façonné par elle, il est la créature d'un monde qui exalte puis punit la performance.
Horaires :
vendredi 15 - 19h30 - Manège - en présence de Franziska Weiszsamedi 16 - 13h45 - Concorde 1 - en présence de Franziska WeiszCefalópodo - Prix Presse
Rubén Ímaz Castro
photographie :Gerardo Barroso
montage :Mariana Rodríguez
musique :Pablo Lach
production :Fondo para la Producción, Cinematográfica de Calidad (FOPROCINE), Axolote Cine
de Rubén Ímaz Castro
Avec Unax Ugalde, Alejandra Ambrosi, José Ángel Bichir
Mexique . 2010 . 1h30 . VOSTF
Première française - En présence du réalisateur
Suite au décès de sa petite amie, un jeune homme quitte le pays basque pour le Mexique où il est né. Le retour, on le devine, n'est pas facile. Sebastian est peintre. Obsédé par les céphalopodes, il entreprend de les peindre puis de partir à leur poursuite dans l'immense désert de Sonora que se partagent le Mexique et l'Arizona. Sebastian manquera d'y trouver la mort. Il y trouvera surtout une libération. Ce résumé succinct ne rend pas justice à la finesse de la chronique narrée par Rubén Ímaz Castro, dont c'est le deuxième long métrage après Familia Tortuga en 2006. Toute sa beauté loge dans l'articulation de ses deux parties, l'espèce de sommeil de la première à laquelle succède le réveil inespéré de la seconde, sous le soleil et dans le sable clair de Sonora. Entre les deux, la silhouette énorme des céphalopodes, leurs tentacules sont une image de deuil finalement renversée en possibilité de renaissance.
Horaires :
samedi 16 - 20h - Manège dimanche 17 - 14h - CinévilleCold Weather
Andrew Reed
montage :Andrew Reed
production :Lars Knudsen, Brendan McFadden, Ben Stambler, Jay Van Hoy
de Aaron Katz
Avec Cris Lankenau, Trieste Kelly Dunn, Raúl Castillo, Robyn Rikoon, Jeb Pearson, Brendan McFadden
Etats-Unis . 2010 . 1h37 . VOSTF
Première française - En présence du réalisateur
La pluie qui tombe, les blocs de glace qu'on déplace, les jours qui passent : tout glisse avec fluidité, pour Doug, de retour à Portland après avoir abandonné l'université et Chicago, pour sa soeur Gail et pour leur nouvel ami Carlos. Lorsque l'ancienne petite-amie de Doug refait surface pour disparaître bientôt, la peur qui surgit d'abord laisse progressivement place à un autre glissement : de la banalité des travaux et des jeux à l'excitation d'entrer dans de nouveaux rôles, sous le haut patronage du fameux détective à la pipe, Sherlock Holmes en personne. Qu'est-il arrivé à Rachel ? D'où sortent cette carte d'un club de strip-tease, cette voiture menaçante sur le parking ? De quel frisson, de quel enchantement la vie est-elle encore capable, sans avoir pour cela à sortir de son lit commun ? Peut-on rêver selon le rythme ordinaire des heures et des jours ? Pouvons-nous être à la fois spectateurs et acteurs ? La réponse d'Aaron Katz doit beaucoup au charme de Portland. Elle doit plus encore à une manière d'understatement situé à égale distance de la chronique, de la comédie et du polar.
Horaires :
lundi 18 - 19h30 - Manège - en présence de Aaron Katzmardi 19 - 12h - Manège - en présence de Aaron KatzEntre deux mondes / Ahasin Wetei
Vimukthi Jayasundara
photographie :Channa Deshapriya
montage :Gisèle Rapp-Meichler
musique :Lakshman Joseph de Saram
production :Les Films Hatari, Unilimited, Arte France Cinéma, Film Council Productions, Anura Silva
de Vimukhti Jayasundara
Avec Thusitha Laknath, Kaushalya Fernando, Huang Lu
Sri_Lanka - France . 2009 . 1h25 . VOSTF
Première française - En présence du réalisateur
Le cinéma de Vimukhti Jayasundara a toujours été profondément marqué par la guerre civile qui secoua pendant des décennies et jusqu'à peu le Sri Lanka. Elle était au coeur du moyen métrage qui le révéla en 2001, The Land of Silence, puis de son premier long métrage, La Terre abandonnée, récompensé par la Caméra d'Or au Festival de Cannes 2005. Cette expérience traverse encore Entre deux mondes, mais recomposée à travers l'histoire d'un jeune homme qui tombe du ciel (littéralement), d'une fuite hors de la ville pour rejoindre la campagne, de retrouvailles avec le rythme et la beauté des temps de légende. Les deux mondes du titre pourraient être ceux-là : d'un côté des scènes d'émeute filmées avec une énergie et une vigueur saisissantes, de l'autre une magie dont la puissance de surprise n'est pas moindre. Le film ne déroule pas à proprement parler de récit, il se laisse dériver et organiser par la confrontation de ces deux mondes, livrant ces deux phrases pour seul guide et avertissement : « Rien de magique n'est invraisemblable. Ce qui a eu lieu hier peut se reproduire demain. »
Horaires :
lundi 18 - 22h - Manège - en présence de Vimukthi Jayasundara mardi 19 - 14h - Cinéville - en présence de Vimukthi JayasundaraL’Epée et la rose / A Espada e a Rosa
João Nicolau, Mariana Ricardo
photographie :Mário Castanheira
montage :Francisco Moreira, João Nicolau
musique :Munchen
production :Sandro Aguilar, Luís Urbano
distribution :Shellac
de João Nicolau
Avec Manuel Mesquita, Luís Lima Barreto, Nuno Pino Custódio, Hugo Leitão, Mariana Ricardo
Portugal . 2010 . 2h22 . VOSTF
Première française - En présence du réalisateur
C'est un conte en chansons, une comédie musicale pour les jeunes adultes de notre temps. Une féerie pop, moitié jeu de rôles, moitié film de pirates : on peut penser à Wes Anderson, à La Vie aquatique. C'est aussi une fantaisie espiègle et raffinée dont la lumière et les accents ne peuvent appartenir qu'au Portugal, cet Orient de l'Europe sur la carte du cinéma : on peut penser à Miguel Gomes, à La Gueule que tu mérites. Faut-il raconter l'histoire ? Un groupe d'amis embarque sur une caravelle océanique du XVe siècle nommée le Vera Cruz. Ils possèdent puis perdent une mystérieuse substance, volent, font des otages, rejoignent finalement leur maître à tous, La Rose, seigneur polyglotte interprété par trois acteurs successivement, dont l'immense Luis Miguel Cintra. L'essentiel est ailleurs. L'essentiel est l'ailleurs : chanter ; avancer par composition de tableaux ; prendre plaisir à être ensemble, pour voyager, pour faire un film ; laisser sourdre une interrogation sur les rêves de la jeunesse et sur ce que celle-ci peut, aujourd'hui.
Horaires :
dimanche 17 - 19h30 - Manège - en présence de Caroline Deruas, Justine Taurand et João Nicolaulundi 18 - 14h - Cinéville - en présence dˈune personne de lˈéquipe du film (sous réserve)Putty Hill - Grand Prix du Jury
Matt Porterfield & Jordan Mintzer
photographie :Jeremy Saulnier
montage :Marc Vives
production :Jordan Mintzer, Steve Holmgren, Joyce Kim & Eric Bannat
de Matt Porterfield
Avec Sky Ferreira, Zoe Vance, James Siebor Jr. , Dustin Ray, Cody Ray, Charles “Spike” Sauers, Catherine Evans, Virginia Heath, Casey Weibust, Drew Harris
Etats-Unis . 2009 . 1h27 . VOSTF
Première française - En présence du réalisateur
En 2006, Matt Porterfield a réalisé un premier long métrage remarqué, Hamilton. Son deuxième film a confirmé ces espoirs : Putty Hill a été beaucoup montré – et beaucoup récompensé – dans les festivals internationaux, et Porterfield est désormais un nom majeur du cinéma indépendant américain. Comment décrire ce film à l'intention du public français qui s'apprête à le découvrir ? Son cadre importe : Baltimore est la ville de Porterfield comme elle est celle de la série The Wire, et comme Portland est celle de Gus Van Sant et d'Aaron Katz. La méthode du cinéaste mêle singulièrement le documentaire et la fiction : la voix d'un caméraman interroge des adolescents, afin de redessiner à partir de leurs paroles le portrait d'un de leurs amis, récemment mort d'overdose. Ainsi avance le film : par fragments chuchotés d'expérience, allers et retours entre le groupe et l'individu, tableaux d'oisiveté (partie de paint-ball, bain dans une piscine de jardin...). Avec une grande délicatesse d'approche, l'ensemble compose l'image d'une communauté américaine d'aujourd'hui.
Horaires :
dimanche 17 - 22h15 - Manège - en présence de Matt Porterfieldlundi 18 - 12h - Théâtre Municipal - en présence de Matt PorterfieldPoursuite
Marina Déak
photographie :Alexis Kavyrchine
montage :Mathias Bouffier, Pauline Rebière
musique :Laure Allary, Thomas Fourel, Laurent Gabiot
production :31 Juin Films
de Marina Déak
Avec Marina Déak, Aurélien Recoing, Renaud Dehesdin, Yann Guillemot, Paul Cahen, Agnès Chateau
France . 2010 . 1h30
En présence de la réalisatrice
Un premier film français, tout le monde sait ce que c'est : éducation amoureuse, scènes de fête et scènes de dispute, caméra qui tremble, jeunesse des corps et pressentiments de la fatigue qui vient. Poursuite est cela, mais il est aussi tout autre chose. Il ne cherche pas un juste équilibre entre une vie qui se cherche et un cinéma qui commence, il constate et creuse plutôt un déséquilibre. Audrey n'y arrive pas : être une mère, une amante, une employée, répondre aux sollicitations de sa mère, du père de son fils, de son nouveau compagnon... Elle veut quelque chose de plus. D'un autre côté, le peu qu'elle a est déjà trop pour elle. Poursuite, qui s'est longtemps appelé La Grande vie, parle de l'absence de chacun aux tâches et aux identités les plus ordinaires, et de la façon dont le cinéma, loin de consoler cette absence, peut la faire résonner. Marina Déak passe par le documentaire, par le fantasme, par l'Internet... Il n'y a pas, il n'y aura pas d'adéquation. Si elle s'est accordée le rôle d'Audrey, ce n'est pas pour se donner la vedette, mais bien pour dire combien son questionnement circule sans cesse de l'existence au cinéma.
Horaires :
vendredi 15 - 22h - Manège - en présence de Marina Déaksamedi 16 - 16h30 - Cinéville - en présence de Marina DéakWinter Vacation
Li Hongqi
photographie :Qin Yurui et Yi Xiaodong
montage :Li Hongqi
musique :Zuoxiao Zuzhou and The Top Floor Circus
production :Alex Chung
distribution :Capricci Films
de Li Hongqi
Avec Bai Junjie, Zhang Naqi, Bai Jinfeng, Xie Ying, Wang Hui, Bao Lei, Bai Xiaohong, Zhi Feng Wu Guoxiong, Jiang Chao, Shao Meiqi,Yao Lang
Chine . 2010 . 1h31 . VOSTF
Première française - En présence du producteur Alex Chung
Si la Chine produit un des plus beaux cinémas du monde, des films parmi les plus attentifs aux soubresauts du contemporain, il est rare que ceux-ci soient de comédie. Soyons juste, Winter Vacation n'en est pas exactement une. Il serait pourtant plus injuste encore de rattacher son exigence narrative et plastique – Li Hongqi est également poète et peintre – à quelque unique souci d'élégance et de lenteur. Imaginez, dans un petit village du nord de la Chine, le désoeuvrement de jeunes hommes retombant les uns sur les autres à chaque coin de rue, les échanges absurdes entre un grand-père et son petit-fils, des conversations où l'on passe des peines de coeur à l'avenir du communisme national : la chronique de l'ennui provincial est sans cesse secouée d'un comique à froid, pince-sans-rire, qu'il faudra peut-être bientôt appeler simplement « humour chinois ». Le cinéma a beaucoup montré, depuis une dizaine d'années, ce qui arrive à la Chine devenue capitaliste. De cette manière-là, aussi composée que décomposée, c'est la première fois.