Pendant tout ce temps, Hellman a accumulé les projets, esquissés, développés, abandonnés : leur liste donne le tournis autant qu'elle fait rêver... Il a prêté main forte à Sam Peckinpah, Mark Robson, Francis Coppola ou Paul Verhoeven, contribué à la révélation de Quentin Tarantino, enseigné dans l'école d'art californienne de Cal Arts, dont les étudiants sont devenus ses collaborateurs, appris à préparer la meilleure Margarita de la côte ouest.... Il a également réalisé une poignée de films superbes, Cockfighter (1974), China 9, Liberty 37 (1978), Iguana (1988), mais ceux-ci n'ont pu être découverts que de manière tardive, confidentielle, toujours décalée. Avec le temps, Hellman a ainsi pris figure de cinéaste maudit : l'on se souvenait avec émotion des films mentionnés à l'instant, des débuts au sein de l'écurie entraînée par Roger Corman, des premiers westerns interprétés et co-écrits par Jack Nicholson, de Macadam à deux voies, à la fois road-movie définitif et essai de cinéma structuraliste, mais l'attente semblait se devoir se prolonger indéfiniment. A quand, enfin, le grand retour de Monte Hellman ?

Nous y sommes. Road to Nowhere n'aura pas le destin des précédents films, il est assuré d'être vu, et bien vu : sélectionné en compétition à Venise au mois de septembre, il connaîtra une distribution française dans les premiers mois de 2011. Il ne faut pas trop en dire sur ce film, il faut laisser le public succomber à son charme. Aussi bien thriller que film sur le cinéma, Road to Nowhere est une œuvre d'autant plus fascinante que Hellman y expose à nu ses inspirations de toujours (le Nouveau Roman, le cinéma comme art mortel, la conciliation impossible du métier et de l'amour) tout en dialoguant, pour la première fois et au présent, avec des cinéastes auxquels on n'aurait pas songé à le rapprocher : David Lynch, Abel Ferrara...

Il y a donc de nombreuses raisons de se réjouir de ces retrouvailles trop longtemps différées. Pour nous, pour La Roche-sur-Yon, il y en a plus particulièrement trois : la présentation en première française de ce nouveau film ; l'organisation d'une nuit Hellman, composée de quatre films ; enfin, last but not least, la présence du cinéaste lui-même en président du jury de notre compétition internationale.

Emmanuel Burdeau